Parlons des arts martiaux français. La France est un pays riche en ce domaine :
La lutte bretonne, qui permit à François Ier de tomber Henri VIII au camp du Drap d’Or
La lutte parisienne pratiquée par les « apaches » qui entouraient la célèbre « Casque d’Or » au début du vingtième.
La savate, boxe française
La gréco-romaine lancée fin 19ème siècle par le français Exbrayat
L’école française d’escrime
Le tir à l’arc
Le fléau d’arme
La lance,
Font partie de la richesse méconnue de notre patrimoine national.

La canne ne fait pas exception.

La canne est de tradition fort ancienne et a été utilisée par tous les milieux sociaux :
Arme d’entraînement sous Charlemagne,
Arme traditionnelle dans les campagnes, dont on trouve trace dans les jacqueries du Moyen-âge, puis dans ses expressions régionales :
le redoutable Penn Bazh (bâton à tête) de Bretagne,

le Makila basque,

les cannes ouvragées qui font partie de l’histoire du compagnonnage…

Elle a évolué au 18ème siècle puis au 19ème dans les milieux militaires,
Elle devint un objet à la mode de la fin du 19ème aux années 1930,
les aristocrates ou les bourgeois l’utilisaient en accessoire esthétique et de sécurité à une époque où le port de l’épée leur était devenu interdit.

C’est à cette époque que la canne a fait l’objet de théories et de manuels en particulier ceux du prestigieux Charlemont.

Tombée dans l’oubli à la fin des années 30, suite à une interdiction policière, sa renaissance  fut initiée par Maurice Sarry qui a recodifié dans les années 70.

Ceci amena en 1977 la création du Comité National de la Canne et Bâton (CNCB) au sein de la Fédération de Boxe Française Savate.
Maurice Sarry a écrit à compte d'auteur un ouvrage de référence dans le domaine : « La canne, arme de défense, sport de combat »
Dans les années 80 il a quitté la CNCB pour poursuivre sa quête de la perfection dans l’art de la Canne en récréant une méthode plus ergonomique, ludique dont le but est l’élégance et la défense.
C’est là qu’est née l’académie d’escrime aux fouets et bâtons.

INTERVIEW DE MAURICE SARRY :

"Maurice Sarry, Maître de Canne est le créateur de l'académie d'escrime aux fouets et bâtons. Il a fouillé dans les archives et déterré, non pas la hache de guerre, mais la fourche, le fléau, le fouet, le bâton de marche et de berger, pour les rendre à la conscience collective comme des armes de lutte appartenant aux racines de l'histoire de la France.

Deux fois vice-champion national de boxe française, Maurice Sarry connaît bien le combat. Et puis, dans sa famille le sport est presque une fatalité. Son grand-père (né en 1890) pratiquait la savate, la boxe, la canne, le bâton, l'escrime, la lutte, le Ju-jitsu et le rugby ... Durant la guerre 14­18 il est aviateur et il participe à de nom­breux combats aériens. Il donne ensuite des cours de culture physique au Prési­dent de la République Raymond Poin­caré et à d'autres grands hommes publics de l'époque et est le premier à créer en France un club de plage (à Batz-sur-Mer).

La mère de Maurice Sarry est, à 11 ans, championne de Paris en natation (nage libre en rivière). Bref, ce solide atavisme n'est sûrement pas étranger à la soif d'exercice et de connaissance sportive qui exilera Mauri­ce Sarry jusqu'en Chine pour quelques rencontres entre son académie et des écoles de Wu Shu. Réflexions d'un per­sonnage dont les idées sont aussi cla­quantes que la lanière de son fouet...

Karaté-Bushido: Maurice Sarry, quels ont été vos motifs pour la création de cette académie très originale d'escri­me aux fouets et bâtons?

Maurice Sarry : Je pensais qu'un sport, même si ses racines étaient lointaines, il fallait le faire évoluer et lui donner toutes ses possibilités. Au sein d'une fédération on a tout le temps un cadre très rigide, avec des commissions techniques, etc. A partir du moment où j'avais décidé de créer quelque -chose et de le faire évo­luer, il fallait que je fasse une association. L'académie est née comme ça. Toutes les techniques de combat à distance étaient représentées. Tout ce qui est contact physique était supprimé, les coups de pieds et les coups de poings ne rentraient pas dans les techniques de l'académie. Petit à petit je me suis inté­ressé à la confrontation, au combat à distance sous différentes formes com­me le fouet qui n'a jamais été une arme de guerre.

K.B. : Il n'y avait donc pas de « mode d'emploi » technique du fouet. Vous l'avez créé ?

Maurice Sarry : Il y a eu des duels au fouet mais ce n'était pas une arme de guerre. Il fal­lait donc trouver une technique car ce n'est pas tout de donner un coup de fouet. Il faut pouvoir le parer, trouver des enchaînements. C'est ça qui m'intéres­sait.

K.B. : Les instruments que vous utili­sez représentent les racines pay­sannes du combat à mains armées. Quelles sont les sensations liées à leurs pratiques?

Maurice Sarry : C'est quelque chose que je res­sens surtout au niveau des bâtons. Ca fait très longtemps que je pratique des formes de bâton et j'essaie d'innover, de trouver des choses ou des enchaîne­ments différents. En fait, les sensations je les ai d'abord trouvées dans nos pages d'histoire concernant les combats de nos paysans. Je me suis aperçu que les paysans n'étaient pas les poltrons ou « ceux qui subissent» que les manuels scolaires ont bien voulu nous dépeindre. Il y a eu, entre le 15" et le 17" siècle, énor­mément de révoltes, plus de trente mille en tout ! Les paysans utilisaient, bien entendu, ce qu'ils avaient sous la main. Ils avaient la fourche, qui était devenue une véritable arme puisque j'ai retrouvé des expressions chez les Chouans de Bretagne telle que: « si quelqu'un trahit, on le passera par la fourche ». Il y avait la plupart des outils agraires et même si c'était rudimentaire, on a appris à se battre avec ça.

K.B.: Par contre le fouet sort de ce contexte puisque. c'est un instrument plus symbolique que véritablement guerrier. Quels sont ses avantages et ses inconvénients dans un combat?

Maurice Sarry : Le fouet peut être dangereux car il peut avoir des parties métalliques sur la lanière et au bout. Son inconvénient c'est qu'une fois qu'il est lancé il faut pouvoir le récupérer très vite, ce n'est pas évident...

K.B. : Peut-on énumérer les armes que vous enseignez?

Maurice Sarry : Il yale stick, un bâton très court de 60 cm , la canne, le bâton de marche, le bâton de berger, la fourche, le fléau et le fouet. J'enseigne tout ce qui est bâton. Pour tout ce qui est fourche, fléau et fouet, mon enseignement est beau­coup plus réservé. C'est une pratique personnelle ou en comité réduit. Avec de telles armes, la violence peut aller trop vite et je ne veux pas cela ... "

J.P. Maillet.

Remerciements à J.P. Maillet et à la revue Karaté Bushido

Crédits photos J.P. Maillet